Le système concentrationnaire nazi
Les nazis ont conçu et mis en application un système concentrationnaire placé sous la responsabilité de la SS, dont Heinrich Himmler est le chef suprême (Reichsführer SS). Ce système recourt à des mesures coercitives et disciplinaires inspirées des méthodes militaires prussiennes, du régime des pénitenciers allemands et de l'idéologie raciste du nazisme. Ces méthodes sont mises en pratique par la SS avec une brutalité sans égale, un mépris total de la vie et des êtres « inférieurs», des ennemis du régime et des ennemis de « race ».
Le système devient une gigantesque entreprise de négation de toute valeur et de tout droit de la personne humaine. Véritable univers de mort lente et expiatoire pour les opposants et résistants « ennemis du Reich » et de mort immédiate pour les « ennemis de race (Juifs, Tsiganes, Slaves), il se caractérise en outre par une étonnante
bureaucratie et l'instauration d'une hiérarchie interne des détenus à la dévotion de la SS, certains détenus (en général de droit commun) étant investis de pouvoirs
absolus sur les autres.
Jusqu'en 1939, les détenus sont des ressortissants du Reich, classés par catégories, en opposants politiques (triangle rouge), asociaux (triangle noir), reclus de droit
commun (triangle vert). L’internationalisation et l'extension de ce système commencent dès septembre 1939 avec l'invasion de la Pologne (début de la 2° Guerre Mondiale). L'effectif des détenus ne cesse dès lors d'augmenter et leurs conditions de vie de se dégrader. Aux catégories se superposent désormais les nationalités.
L’extermination des Juifs, ou « Solution finale de la question juive en Europe », commencée dès les premières semaines de l'année 1941, atteint son apogée entre
mi-1942 et mi1943, puis décroît jusqu'à fin 1944, faisant au total entre cinq et six millions de victimes.
A partir de 1943 et jusqu'à l'effondrement du Reich, sans jamais perdre sa vocation d'élimination des ennemis du régime, de répression, de coercition et de terreur, le
système ajoute celle d'immense réservoir d'êtres humains voués au travail forcé. Celui-ci est d'autant plus exténuant qu'il s'accompagne de sous-alimentation et d'un
dénuement absolu dans la lutte contre le froid, la chaleur, la maladie ou les accidents. Contraints de travailler à des cadences infernales, cette population d'esclaves est répartie dans une multitude de Kommandos relevant des camps centraux, à travers le Reich. Ils participent à la production dans tous les secteurs militaires (avions, fusées V1 et V2, chars, armement, munitions) et civils de l'économie allemande ou à la création des infrastructures routière, ferrée, maritime. En 1944/45, ils participent à l'enfouissement des sites de mises au point et 'expérimentations des armes secrètes.
Parallèlement aux travaux dits de production, sources de profit considérables pour la SS qui loue cette main d'œuvre, les détenus sont maintenus dans un état d’agitation et d'angoisse permanent, fait pour décourager toute tentative d'organisation collective, de solidarité et d'évasion. Le moindre prétexte est saisi pour infliger des sanctions arbitraires et faire souffrir encore davantage le détenu, souvent jusqu'à sa mise à mort. La durée moyenne de vie dépasse rarement 9 mois. Les malades incurables et les inaptes au travail (les « inutiles ») sont périodiquement éliminés par injections mortelles ou par envoi dans les chambres à gaz des camps (quand il en existe) ou dans les centres d'euthanasie comme Hartheim en Haute-Autriche. Les médecins SS se livrent en outre dans les camps à de expériences pseudo médicales d'une barbarie inouïe sur des détenus hommes, femmes et enfants.
Des détenus classés politiques parviendront cependant, non sans risques, à occuper des fonctions clé dans l'administration interne, a y créer des organisations clandestines favorisant certaines formes de résistance, de solidarité, d'entraide et de renseignement.
La Déportation partie de France
Au total 165 000 personnes ont été déportées de France vers le système concentrationnaire nazi.
- 89 000 par mesure de répression (résistants, opposants antinazis, otages) essentiellement depuis les camps de regroupement de Compiègne et de Romainville. Le taux de mortalité est estimé à un peu plus de 40% (soit environ 35 000 morts dont 500 en chambre à gaz).
- 76 000 Juifs, dont 11 000 enfants, dans le cadre de la « Solution finale ». Regroupés essentiellement au camp de Drancy, ils ont été déportés vers les chambres à gaz d’Auschwitz Birkenau. 3% seulement sont revenus.
En France, la déportation poursuit deux objectifs:
- Avec la collaboration des autorités françaises de Vichy, réprimer et décourager toute velléité de résistance ou d’opposition dans la population par l'emprisonnement généralement suivi d'un envoi en camp de concentration. Les résistants pris les armes à la main ou convaincus de faits ayant entraîné la mort de soldats allemands étaient exécutés, ainsi parfois que de simples otages, exécutés pour terroriser la population et l'inciter à la soumission.
- Mettre en œuvre la « Solution finale de la question juive en Europe », en déportant vers les camps d’extermination hommes, femmes et enfants raflés par familles entières, le plus souvent à l'initiative du régime de Vichy. Lors de la sélection à l'arrivée, seule une minorité de ces déportés échappe à une mise à mort immédiate et est retenue pour travailler dans des Kommandos particulièrement durs où le sursis accordé n'est que de courte durée.
A la distinction fondamentale entre déportés par mesure de répression et déportés de persécutions, s'ajoutent quelques cas spécifiques de déportation qu'il convient de mentionner, comme celle des Tsiganes, des Témoins de Jéhovah et des homosexuels, déportés depuis les territoires annexés ou placés sous administration militaire allemande, du Nord et de l'Est de la France, ou encore celle des « Juifs conjoints d'Aryennes », soustraits au processus de la Solution finale et déportés vers I’île anglo-normande d'Aurigny.
Entre arrestation et déportation, les déportés séjournent pendant une durée indéterminée dans des prisons (Fresnes, Montluc, Beaumettes, Blois, Le Hâ à Bordeaux, Dijon, etc...) ou des camps d'internement (Pithiviers, Beaune-la-Rolande, Rivesaltes, Gurs, Chateaubriant, Rouillé, etc...) relevant des autorités de Vichy, parfois aussi partiellement des autorités allemandes d'occupation.
Les transports de déportation s'effectuent depuis les camps de regroupement et de transit (Drancy, Compiègne, Romainville, etc...) sous autorité allemande, par trains composés de wagons à bestiaux. Les détenus y sont entassés sans sanitaires, sans eau et sans aération pendant des jours et des nuits. Ils sont épuisés quand ils ne sont pas morts ou devenus fous à leur arrivée en camp de concentration.
Le KL Natzweiler-Struthof
un camp de concentration en Alsace annexée
De 1941 à 1945, l’Alsace annexée a été le cadre d’un camp de concentration parmi les plus durs et les plus meurtriers du système concentrationnaire nazi. 52 000 déportés, de plus de 30 nationalités différentes, ont été déportés à Natzweiler (nom germanisé du nom du village Natzwiller) et dans ses camps annexes. Environ 17 000 d’entre eux ont péri dans la nébuleuse KL Natzweiler dont 3 000 dans le camp souche.
Les déportés les plus nombreux sont les Polonais, suivis des Soviétiques et des Français (dont un quart d'Alsaciens-Mosellans), puis des Belges, des Norvégiens, des Luxembourgeois, mais aussi des Allemands, des Grecs, des Yougoslaves, des Tchèques, des Autrichiens, des Lituaniens, des Néerlandais, des Italiens, des Slovènes, etc... En grande partie, ce sont des déportés politiques, dont les NN, mais aussi des Juifs, des Tziganes, des homosexuels.
Initialement voué à l’exploitation d’un filon de granit rose destiné à la construction de monuments du Reich, le camp devient un lieu de travail pour répondre aux impératifs de l'industrie de guerre nazie : en 1943 des halles de démontage de moteurs d’avion sont installés dans la carrière au profit de l’avionneur Junkers. En parallèle, le camp abrite les expérimentations médicales des professeurs nazis de l'université du Reich de Strasbourg.
Article sur le camp de Natzweiler-Struthof (site d'actualités "Virgule")
Les camps annexes du KL-Natzweiler
1 Thil
2 Audun-le-Tiche
3 Hayange
4 Metz
5 Peltre
6 Rothau
7 Natzweiler
8 Dorisheim
9 Strasbourg
10 Obernai
11 Sainte-Marie-aux-Mines
12 Colmar
13 Urbès
14 Cernay
15 Mulhouse
16 Haslach
17 Schömberg
18 Zepfenhahn
19 Schlörzingen
20 Spaichingen
21 Dormettingen
22 Frommern
23 Bisingen
24 Balingen
25 Erzingen
26 Dautmergen
27 Calw
28 Offenburg
29 Baden Baden
30 Sandweier
31 Schwindratzheim
32 Rastatt
33 Ifferzheim
34 Baden Os
35 Tailfingen
36 Hailfingen
37 Geislingen a.d. Steige
38 Heidensheim
40 Bernhausen
41 Echerdingen
42 Leonberg
43 Zuffenhausen
39 Wasseralfingen
44 Unterriexingen
45 Vaihigen
46 Ensingen
47 Gross-Sachsenheim
48 Eilwangen
49 Hessental
50 Schwäbisch Hall
51 Neckargartach
52 Heilbronn
53 Bad Rappenau
54 Kochendorf
55 Neckarzimmern
56 Neckarbischofsheim
57 Obrigheim
58 Asbach
59 Neckarelz 1& Neckarelz 2
60 Mosbach
61 Neckargerach
62 Binau
63 Daudenzell
64 Guttenbach
65 Neunkirchen
66 Sandhofen
67 Heppenheim
68 Bensheim
69 Auerbach
70 Darmstadt
71 Walldorf
72 Geisenheim
73 Katzbach
74 Bruttig
75 Treis
La fin du système concentrationnaire nazi
Devant l'avance des armées alliées fin 1944 et surtout début 1945 jusqu'en avril, les SS procèdent à l'évacuation des camps de concentration et tentent d'effacer les traces de leurs crimes. Les détenus sont ainsi transférés en plein hiver par-20° ou-30° dans des wagons souvent à ciel ouvert ou lancés en d'interminables colonnes de plusieurs milliers de silhouettes décharnées. Ces « marches de la mort »› les conduisent vers d'autres camps eux-mêmes rapidement surpeuplés. Près de 50% des évacués périssent encore dans cette ultime épreuve où les gardiens abattent d'une balle ceux qui, à bout de force, ne peuvent plus suivre.
Le système conçu et appliqué par la SS ne s'effondre pas, il est brisé par l'offensive victorieuse des armées alliées. La rage meurtrière et le fanatisme des SS se manifestent jusqu'aux ultimes instants précédant l'arrivée des armées alliées. Les criminels qui ont pu être identifiés et capturés ont été jugés et condamnés à l’occasion d'une série de procès dont le plus célèbre est celui de Nuremberg où pour la première fois a été introduite la notion de crime contre l'humanité, imprescriptible.
Glossaire
Appellplatz : place de l'appel.
Arbeitslager : camp de travail.
Block : baraque de détenus le plus souvent construite en planches.
Camp de concentration (nazi) : centres de détention créés initialement par le IlIe Reich à partir de 1933 pour interner, éliminer les opposants politiques au régime nazi ainsi que les Tziganes, les Juifs, les témoins de Jéhovah, les homosexuels et les éléments asociaux (criminels, vagabonds, etc...) et exploiter leur force de travail. Les camps ont été aussi utilisés pour la détention des résistants et opposants de toute l’Europe occupée, et leur utilisation en tant que main d'œuvre servile. Tout vise à déshumaniser les détenus et à les conduire à une mort rapide.
Camp d'extermination: camps spécialement créés pour la mise en œuvre de la "solution finale" ainsi que pour l’élimination des Tziganes et des Slaves.
Goumi : matraque en caoutchouc.
Kapo : détenu (souvent criminel de droit commun) chargé d'encadrer les prisonniers du camp, un block ou un Kommando.
KL: Konzentrationslager (camp de concentration).
Kommando : camp annexe au camp souche camp de travail détachement de détenus assigné à un travail.
Lager : camp.
Los ! Los schnell! : ordre d'avancer plus vite, souvent accompagné de coups.
Marches de la mort : devant l'approche des troupes alliées, les SS firent évacuer les camps. Ces transferts de prisonniers affaiblis par le travail, les privations et les maladies, et effectués souvent dans des conditions épouvantables firent de très nombreuses victimes.
NN : Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard). Désigne les déportés destinés à disparaître obligatoirement. Les décrets dits « NN » de décembre 1941 visent à intensifier la répression contre les opposants d' Europe occidentale. Le but est de les supprimer totalement, en effaçant toute trace de leur existence et de leur mort, comme des silhouettes englouties dans la nuit et le brouillard.
Revier : block médical, infirmerie.
Schlague : matraque ou nerf de bœuf.
Solution finale : nom de code nazi pour l'extermination programmée des Juifs d'Europe.
SS : Schutzstaffel (escadrons de protection). Parmi ses diverses missions, la SS a été l'organisatrice de l'instrument répressif du régime nazi avec les camps de concentration et les camps d’extermination. Les SS "Totenkopf" ("tête de mort") étaient les gardiens des camps.
Stück : morceau, pièce, terme comptable utilisé pour désigner les détenus.
Typhus : maladie épidémique transmise par des poux de corps.